RÉFLEXION - Brazzaville, capitale mondiale des arts et des lettres
De tous temps la capitale du Congo a été l'un de ces lieux privilégiés où souffle l'esprit et où la plume règne en maître. Attirant par on ne sait quel sortilège écrivains, poètes, philosophes, essayistes, Brazzaville a toujours brillé en Afrique, mais aussi dans le monde, par sa vitalité dans le domaine littéraire et artistique, projetant ses auteurs, ses peintres, ses musiciens sur le devant de la scène internationale avec une force qui n'a jamais cessé de croître.
Cette évidence deux évènements la confirmeront avec éclat dans les semaines à venir. Deux évènements, le Festival Étonnants Voyageurs et le Salon International du livre, qui n'ont apparemment rien à voir l'un avec l'autre, mais qui pourtant sont intimement liés puisque l'idée d'organiser à Brazzaville l'édition africaine d'Étonnants Voyageurs est née du constat, fait il y a un an à Paris, que le stand « Livres et auteurs du Bassin du Congo » attirait vers lui une foule avide de connaître les multiples facettes de la littérature africaine contemporaine. Séduits par ce qu'ils voyaient, Michel Le Bris et Alain Mabanckou en ont tiré la conclusion que Brazzaville était le lieu idéal pour rassembler les écrivains du monde entier afin de parler de « l'Afrique qui vient ». Et les évènements leur ont donné raison.
Avant d'aller plus loin il convient de rappeler ici qu'aucun nationalisme de mauvais aloi n'inspire et n'inspirera jamais ces manifestations. En effet, ce qui sera célébré dans les heures à venir en divers lieux de la capitale du Congo n'est pas autre chose que la prééminence de l'esprit sur la matière à travers la confrontation des idées, des styles, des images, des projets que permettront les débats émaillant ces rencontres.
Dans un siècle comme le nôtre, où la communication instantanée semble vider de tout sens les rencontres internationales, rien n'est plus important en vérité que d'offrir aux écrivains l'opportunité de se rencontrer intellectuellement et physiquement pour confronter leur vision du monde.
Ce n'est évidemment pas un hasard si Brazzaville entend être l'un de ces lieux privilégiés. Rappelons, en effet, qu'au-delà de la capitale du Congo ce qui se joue ici est l'affirmation d'une région du monde, le Bassin du Congo, dont les médias internationaux projettent continument une image négative, atroce, vouée à la violence et imbibée de sang, alors qu'elle est sans doute l'une des plus vivantes, des plus dynamiques, des plus prometteuses de la planète. Certes, et nous sommes les premiers à en parler chaque jour dans les colonnes de notre quotidien, des drames s'y déroulent, des crimes s'y commettent ; mais ces terribles réalités n'empêchent nullement que l'Afrique centrale change, évolue, s'adapte au monde moderne. Ce dont témoigne avec éloquence l'extraordinaire vitalité de ses écrivains, de ses artistes, de ses créateurs qui occupent sans le moindre complexe le devant de la scène.
Étonnants Voyageurs aujourd'hui, Livres et auteurs du Congo demain témoignent à la face du monde que cette partie du continent africain non seulement n'est pas condamnée à l'obscurantisme, comme tant d'observateurs superficiels le laissent croire, mais qu'elle entend bien occuper la place qui lui revient de par son extraordinaire richesse naturelle et humaine.
Les Congolais eux-mêmes le constateront cette semaine.
Jean-Paul Pigasse